Il y a 80 ans, au crépuscule du conflit le plus destructeur dans l’histoire de l’Humanité, la conférence de Bretton Woods remodelait le système financier international, créant le FMI et la Banque mondiale, posant les jalons d’une nouvelle stabilité́ financière et d’une nouvelle prospérité́.
Aujourd’hui, face à un monde secoué par des crises telluriques, écrire un nouveau chapitre de ce système financier devient un impératif absolu. C’est d’ailleurs l’ambition puissante qui anime Kristalina Georgieva , directrice générale du FMI et Ajay Banga, président du groupe de la Banque Mondiale .
En réunissant autour d’eux cet automne, au Mount Washington Hôtel, à Bretton Woods, dans le New Hampshire, là même où eu lieu la conférence, il y a 80 ans, un groupe
d’experts venus de tous les continents, ils ont choisi de soulever des questions difficiles sur l’avenir de l’économie mondiale, la coopération internationale et le rôle des institutions de Bretton Woods.
Des défis flagrants en Afrique
Soyons lucides : toutes les nations sont aujourd’hui confrontées à des enjeux existentiels. Le monde est plus fragile, plus fragmenté que jamais. Les modèles économiques du passé semblent inadaptés, les rivalités géopolitiques s’accentuent et les financements pour le développement se réduisent . Les défis de notre siècle – changement climatique, transformations démographiques, impact de l’IA , accès à l’eau et l’énergie, insécurité alimentaire, dettes écrasantes, inégalités persistantes, incapacité des pays du Sud à se financer en raison de taux d’intérêt exorbitants – nous forcent à agir. Et nulle part ailleurs, ces défis ne sont plus flagrants qu’en Afrique.
Si le continent a enregistré une forte croissance depuis les indépendances , celle-ci n’a pourtant pas été suffisamment soutenue et équitablement répartie pour éradiquer la
pauvreté́. En 2030, 90 % des personnes vivant dans l’extrême pauvreté résideront en Afrique et le continent comptera 9 des 10 pays les plus touchés par le réchauffement
climatique. En 2050, l’Afrique abritera 2,5 milliards d’habitants, un quart de la population mondiale. 500 millions seront des jeunes de 15 à 24 ans, dont plus du tiers
pourrait être sans emploi. Cette jeunesse, si elle n’est pas correctement éduquée et insérée, deviendra alors la cause d’une instabilité chronique et in fine de migrations
intra et intercontinentales hors de contrôle.
Pourquoi donc, malgré les potentialités et les investissements massifs réalisés depuis les indépendances, qu’il s’agisse de fonds propres, d’emprunts ou de dons, l’Afrique continue-t-elle d’accuser de tels retards ?
Examen rigoureux
Dans le cadre de notre mandat de conseillers externes des Institutions de Bretton Woods, Mark Malloch Brown, Sri Indrati Mulyani et moi-même, devrons pointer les dysfonctionnements majeurs des pays en développement comme ceux des institutions financières internationales . Parce que la responsabilité est forcément mutuelle. Il faudra surmonter les préjugés pour briser les fatalités. Nous devrons procéder à un examen rigoureux des réussites et des échecs, en prêtant une oreille attentive aux experts, décideurs, bénéficiaires, mais aussi, surtout, aux acteurs du secteur privé et de la société civile.
Nous devrons proposer des transformations radicales mais indispensables . Chaque aspect sera mis à plat : gouvernance, mandats, organisation, instruments, process, ressources financières et humaines. La tâche sera ardue, mais nous pensons avec les dirigeants des deux Institutions, que le moment est venu d’affronter la réalité, d’être
audacieux et visionnaires. En 1944, résonnaient dans l’air la conscience aiguë des enjeux et l’impératif de l’action. Les dirigeants du monde libre surent dépasser les réflexes du passé, pour forger les outils d’une paix et d’une prospérité durables. Avons-nous toujours cette même conscience des urgences ? Sommes-nous encore capables de faire les compromis nécessaires, d’agir pour le bien commun et l’avenir de ces générations qui nous suivent, nous regardent et nous jugeront ? C’est le pari que nous faisons. C’est l’intime conviction que nous avons.
Source: Les Echos